Delhi, premiers pas en Inde

C’est probablement les deux vols les plus confortables de ce  voyage qui nous ont amené à New Delhi avec une escale courte et reposante à l’aéroport de Kuala Lumpur, Malaisie. Nous atterrissons avec un peu d’avance et c’est un plaisir d’être attendus, certes par un chauffeur de taxi envoyé par l’hôtel où nous avons réservé mais c’est mieux que personne. Il nous emmène dans son petit véhicule étroit et haut. La conduite de ce monsieur nous cause notre premier choc mais elle est à l’image de celle de tous les conducteur de l’Inde : violente, imprudente (c’est un euphémisme) et bruyante. Une demi-heure pendant laquelle on se cramponne et on serre les fesses mais par quelque miracle, ça passe toujours.

Quand nous arrivons dans Main Bazaar, la vibrante artère principale du quartier soi-disant mal famé de Paharganj, on se rend vite compte de la cohue qui règne dans les rues. C’est pourtant sans doute les heures les calmes de la journée. Le chauffeur nous dépose et nous montre la ruelle à prendre pour accéder à l’hôtel. Puis il nous explique qu’on payera la course demain à l’hôtel et que maintenant il nous « faut » lui donner un pourboire… « euh… c’est-à-dire que la course était déjà drôlement chère et qu’en plus on a eu un peu peur ! Donc non. »

Main Bazaar, la journée

Notre chambre à l’hôtel Namaskar est presque propre, pas trop bruyante et équipé d’un ventilateur au plafond. On se couche directement, épuisé par cette longue journée de voyage.

Mardi 3 avril. On quitte l’hôtel pour aller prendre un petit déjeuner mais avant même de trouver un endroit pour ça on se perd dans le dédale de ruelles empoussiérées, probablement parce qu’on est plus attentif à ne pas se faire rouler dessus par les taxis, autorickshaws (véhicule tricycle avec un moteur), pousse-pousse (le même mais avec un gringalet qui pédale), scooter et autres vélos et à ne pas bousculer ou marcher sur les gens, les chiens, les vaches ou les étals de marchandises vendues à même le sol. On se met à l’abri dans un troquet pour manger un morceau en étudiant le plan de la ville mais il y fait une température encore plus difficile à supporter, du fait de la petite taille du lieu, qu’à l’extérieur.

Nous partons ensuite nous promener dans Old Delhi. Et là tout est multiplié. La foule, dense et compacte, les couleurs, les odeurs… comme dit Hervé « ça brasse sévère !! ». Les rues qu’on emprunte sont littéralement noires de monde. Les véhicules, qu’ils soient motorisés ou non, peinent à se croiser et des embouteillages colossaux se forment ; les klaxons et les gens hurlent. Dans cette anarchie où les sens sont mis à rudes épreuves, Hervé et moi n’arrivons pas à nous parler. Nous avons besoin de toute notre concentration pour voir, entendre, sentir et essayer de comprendre ce qu’on perçoit.

Dans ces rues, très sales, l’habitat traditionnel est compact et extrêmement dense, le logement est en outre très fortement imbriqué avec les petites industries et les activités commerciales. La grande majorité des résidents est considérée comme appartenant à des groupes à faibles revenus. Il y a aussi beaucoup de gens vivant dans la rue. On se faufile comme on peut.

Il semble aussi que la population est essentiellement masculine, les femmes sont absentes ou si discrètes qu’on ne les voit guère. Malgré mes vêtements amples et couvrants, je suis gênée par les regards insistants qui sont braqués sur moi mais j’essaie de marcher sans me laisser démonter en évitant de les croiser. Je ne peux cependant ignorer certaines mimiques et quelques mains qui trainent. Je ressers inconsciemment mon chech autour de moi et parviens presque à comprendre qu’on ait envie de se cacher sous un voile. Qu’on se rassure, si les regards insistants sont monnaie courante dans certaines villes, la grande majorité des hommes ne vous embêtent pas… et encore moins quand on est accompagné d’un grand.

Après être passés près de Jama Masjid, la plus grande mosquée d’Inde, et du Fort Rouge que nous visiterons demain, nous longeons la rue Chandni Chowk et nous dirigeons vers le marché aux épices.

Jama Masjid

Nous nous rendons compte que nous faisons partie des rares touristes à marcher dans les rues, la plupart se déplaçant en rickshaw ou pousse-pousse. On voit pourtant ben plus de choses à pied.

Le marché aux épices nous en met plein les yeux mais surtout plein le nez, au sens propre comme au figuré. On éternue à plusieurs reprises et on est même pris de quintes de toux devant ces étals multicolores. L’ocre du masala, l’orangé du curcuma, l’écarlate du piment rouge se mêlent aux teintes plus douces de la cannelle, de la cardamome, du thé mais aussi des fruits secs. Les odeurs puissantes des épices peinent quand même par endroit à couvrir celle de l’urine.

Après cette overdose de sensations, nous retournons en début d’après-midi vers Main Bazaar où l’agitation est toujours conséquente mais la foule moins compacte. Après un bon plat de momos, raviolis (à la vapeur ou frits) fourrés le plus souvent aux légumes, et une petite session internet nous reprenons notre exploration de la ville en nous dirigeant vers Connaught Place, plus au sud. On y trouve une exposition artistique de statues d’ours représentant toutes (ou presque) les nationalités et une ambiance décontractée et plus moderne que dans l’ancienne Delhi.

De la musique résonne depuis des enceintes disposées sur la place et de nombreux jeunes gens profitent de la fin de journée installés dans la pelouse rase et bien entretenue.

Nous rentrons dans notre quartier et mangeons nos premiers thalis, délicieux. Le thali consiste en général en un plateau compartimenté en inox dans lequel on trouve du riz, du dhal (purée de légumineuse, souvent pois-chiche ou lentilles), du pain sous forme de naan ou de chapati (pain rond sans levure) et des pickles (petit ensemble de légumes confis et très épicés).

La vue depuis le resto de ce soir

De retour à l’hôtel nous sommes sales et exténués. Nous sommes rassurés car malgré les fréquentes sollicitations, les gens sont très aimables et les rabatteurs ou autres arnaqueurs dont on nous avait parlés faciles à repérer. Il existe toutefois une misère terrible concentrée dans certains endroits de cette immense capitale qui sait aussi être moderne et opulente à d’autres.

Mercredi 4 avril. Ce matin nous faisons le même trajet qu’hier pour nous rendre de bonne heure au fort rouge. Les urinoirs au bout du pont qui surplombe les voies ferrées sont toujours aussi sales et odorants. Il est 6h quand nous remontons les rues d’Old Delhi certes moins encombrées à cette heure mais très sales car les petits balayeurs ne sont pas encore entrés en action. Surtout, nous surprenons dans ce qu’il leur reste d’intimité les gens qui dorment dans la rue, en train de se réveiller ou de faire un brin de toilette près des pompes à eau manuelle. Je me sens encore plus gênée qu’hier, en tant que « touriste » et en tant que femme.

La visite du fort, qui date de l’apogée de la dynastie moghole, nous plait beaucoup comme celle de l’impressionnante mosquée Jama Masjid (œuvre de Shah Jahan, le même qui a fait construire le Taj Mahal… rien que ça). Du sommet du minaret, 40 mètres de haut quand même et où les femmes ne peuvent monter qu’accompagnées d’un homme, on a une superbe vue sur la ville.

LE FORT ROUGE :

Le Fort Rouge

LA MOSQUÉE :

Maja Mosjid

En haut du minaret

Hervé est aussi très impressionné par la forte et ostensible présence militaire, lourdement équipée, dans et autour de ces bâtiments.

Nous retournons vers « notre quartier » en fin de matinée et prenons enfin un petit-gros-déjeuner à 11h30. Après une petite sieste nous prenons le métro pour nous rendre dans un autre quartier de la ville, plus éloigné, dans l’espoir d’y trouver une paire de baskets pour moi. C’est en vain mais c’est pour nous l’occasion de découvrir une autre facette de Delhi, avec ses boutiques et galeries marchandes et un côté plus chic et moderne mais toujours aussi semblable à un capharnaüm. La saleté est présente partout, aucun dispositif de propreté n’est mis en place et les indiens ne sont pas du tout éduqués ni même sensibilisés au problème écologique et sanitaire ; aussi chacun jette ses ordures où bon lui semble, c’est-à-dire partout. D’après certaines personnes avec qui on en a discuté, le système de caste serait aussi responsable de cet état de fait puisqu’alors les indiens partent du principe que quelqu’un, situé en dessous d’eux, sera là pour ramasser et nettoyer et que ce n’est pas à eux de la faire… Il semble pourtant que souvent personne ne le fasse !

Dans le métro, nous sommes encore une attraction pour certains, un vieux monsieur pris d’alcool vient discuter avec Hervé qui essaie tant bien que mal de répondre mais ne comprend pas grand-chose, au plus grand plaisir des ados qui juste en face de nous sont eux pris de fou-rire en nous jetant des regards complices. Au retour on s’aperçoit que le métro est équipé d’un wagon exclusivement réservé aux femmes et les hommes n’ont pas intérêt à se tromper de wagon car ils se font sortir sans ménagement par les militaires qui surveillent à chaque station.

Jeudi 5 avril. Nous traînons un peu au lit mais dès le petit-déjeuner pris nous nous dirigeons vers la gare, toute proche, pour essayer de réserver un billet de train pour aller à Agra demain. On a bien pris en compte les conseils du Lonely Planet, notre guide. Il mentionne la présence de très nombreux rabatteurs devant la gare qui rendent quasi impossible l’accès au bureau de réservation pour les touristes. Du coup, je pense que nous avons dû prendre un air très sûrs de nous et avons avancé tout droit, si bien qu’une seule personne a essayé de nous vendre des tickets et qu’on est arrivé au bureau sans encombre. La gare est bondée et sent l’urine à plein nez mais le bureau touristique est climatisé. Nous nous mettons comme les nombreuses personnes déjà présentes dans la file d’attente qui fait le tour de la salle en escargot ; par chance on est assis et on se décale au fur et à mesure.

Après 1h45 d’attente en chaises musicales, que nous avons mise à profit pour remplir le formulaire de demande de ticket, nous obtenons 2 billets pour Agra à 5h demain matin à un prix qui nous surprend très agréablement (4€ pour 2).

Par la suite et bien qu’un jeune homme essaie de nous faire croire qu’il est fermé et de nous emmener vers une agence, nous trouvons l’office du tourisme pour récupérer enfin  une carte de la ville.

Nous mangeons dans un boui-boui au patron très sympathique où l’on nous sert des plats sous vide réchauffés au micro-onde, pas dégueu toutefois.

Sous un soleil de plomb, nous marchons ensuite jusqu’à l’India Gate ou porte de l’Inde, un arc de pierre de 42m de haut qui rend hommage aux 90 000 soldats de l’armée des Indes tombés pendant la Première Guerre mondiale et lors de la guerre anglo-afghane en 1919.

Nous rejoignons ensuite la résidence officielle du président, Rashtrapati Bhavan, sur une butte appelée Raisina Hill.

En chemin, pendant une pause que l’on fait à l’ombre d’un arbre nous rencontrons Mumtaz, un jeune homme qui nous parle de son travail et du Cachemire dont il est originaire.

Pour aller ensuite vers la maison du Sikkim, située dans le quartier des ambassades, on hésite à prendre un rickshaw car il fait vraiment chaud et qu’on commence à en avoir plein les pattes. Finalement on continue quand même à pied. En entrant dans une des grandes rues qui s’approche de ce quartier surveillé on trouve un singe assis sur un monticule de terre. On l’observe longuement, ce qui fait bien marrer les 2 militaires qui montent la garde derrière nous. On continue d’avancer dans cette rue et là on comprend mieux pourquoi ça les faisait rire. Des singes, il y en a partout…

On trouve enfin cette fichue maison du Sikkim où on venait chercher plus d’informations concernant les treks ou balades, l’employé est incapable de nous renseigner. Il nous refourgue simplement des noms et adresses d’agences de tourisme, super ! Bon, ça ne nous a servi à rien. On marche alors  jusqu’au métro qui nous ramène « chez nous »…

Les indiens s’arrêtent aussi régulièrement pour nous prendre en photos, le plus souvent avec leur téléphone portable. Parfois on nous demande l’autorisation, parfois non… Chacun son tour !

Demain, nous quitterons Delhi pour Agra et son fameux Taj-Mahal…

7 réflexions au sujet de « Delhi, premiers pas en Inde »

  1. Coucou ! Une petite pensée pour la mangeuse de barbaque, Anna, ça doit faire bizarre de manger végétarien ! Je vois que vous vous régalez toujours autant, au sens propre comme au figuré !
    Ici tout va bien, on profite du premier pont de mai !
    On vous embrasse bien fort.
    Les 2A et la M !

  2. presque deux semaines sans nouvel article sur votre blog, que c’est long
    superbe la photo des femmes en contre jour avec toute la verdure au fond
    bon courage pour le régime alimentaire ! personnellement, j’avais perdu 13 kg en 3 mois, et je n’en avais pas de trop au départ
    bises
    jmz
    (dans un mois, on vous reverra en chair et en os … toutes les bonnes choses ont une fin)

  3. et ce matin nous sommes allés manifester au Puy …
    pour vous aussi !
    z
    PS : j’attends un chef d’œuvre d’Anna, non, de Hervé avec Anna en sari au premier plan devant le Taj Mahal ; merci d’avance

  4. mais je viens de réaliser que vous devez déjà être au Népal
    donc pour le chef d’œuvre de Hervé, ce sera Anna au premier plan à Pokara devant les Annapurnas
    merci d’avance
    jmz

  5. Bonjour!
    Je saisis cette occasion alors pour vous conseiller un film indien « 3 Idiots » qui est tout simplement magnifique, avec notamment des paysages d’Inde a tomber! Peut-etre a decouvrir a votre retour en France pour succomber a la nostalgie du voyage…
    Ravie que tout aille toujours aussi bien, vous nous en mettez plein les yeux, bravo!
    Lucie, une hong-kongaise d’adoption qui vous suit de loin!

  6. Hey les rickshaws c’est top vraiment!
    Le mieux c’est de les conduire et ça passe partout. Et apres plus de 3000km dessus, on trouve tout autre moyen de transport très rasoir!!!
    bisous
    Bab&Mike

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