Région des lacs et « La Misión »

Nous sommes donc arrivés à Bariloche, ex San Carlos de Bariloche, le mardi 6 décembre, fourbus par deux longs jours de bus et un peu inquiets car nous avions eu divers échos concernant l’état de la ville. Nous avons la chance de la trouver épargnée par les cendres du volcan chilien Puyehue entré en éruption en juin et responsable d’épais nuages de cendres qui ne s’embarrassent pas de formalités douanières et viennent assombrir en fonction du vent  le ciel de plusieurs villes argentines.  Cependant il semble que nous tombions au bon moment  car la ville est régulièrement envahie de cendres, l’air devenant alors irrespirable et le sol recouvert d’un manteau d’épaisseur variable et qui ressemble à de la neige.

A notre arrivée, nous trouvons refuge à l’Hôtel 1004, qui est en fait une auberge de jeunesse où nous trouverons de la place en dortoir. Cet hôtel bien caché (aucune enseigne n’indique sa situation) est situé au 10ème étage d’un immeuble du centre de Bariloche et jouit donc d’une vue spectaculaire sur la ville et le lac Nahuel Huapi. Les espaces communs y sont très agréables, la cuisine est spacieuse et le salon équipé d’une cheminée, de grandes tables en bois et de canapés.

Le lendemain nous faisons le tour de la ville dont on se rend vite compte qu’elle est la capitale du chocolat en Argentine, et une balade autour du lac où quelques gamins parviennent à se baigner malgré la fraicheur de l’eau.

On visite aussi le Musée de la Patagonie qui nous permet d’apprendre le nom de nombreux animaux (notamment grâce à des animaux empaillés) et fleurs que nous avons vus en Patagonie, et qui offre d’intéressants aperçus historiques sur des sujets comme la résistance mapuche à la « conquête du désert ».

Nous passons une deuxième nuit au 1004. Au matin, la ville est recouverte d’un voile gris et poussiéreux, derrière lequel le soleil a pali.

Nous reprenons donc un bus ce jeudi matin (8 décembre) et nous empruntons pour arriver à San Martin des Andes la route dite des sept lacs. C’est une route magnifique qui longe effectivement 7 lacs superbes, des forêts étendues (très différentes de celles qu’on a vues en Patagonie du Sud) et des sommets enneigés. Mais de nombreux endroits sont recouverts d’une épaisse couche de cendres (jusqu’à 30cm au bord de la route). La ville de Villa La Angostura a particulièrement été touchée : tout y est sale et souillé par ce mélange de cendres et de sables mouillé par la pluie.

Nous arrivons en début d’après-midi à San Martin de Los Andes où nous allons passer plusieurs jours car c’est ici qu’ont lieu le départ et l’arrivée du trail (course à pied) auquel Hervé s’est inscrit. Nous nous installons donc à l’auberge Secoya (probablement une des moins chère de la ville) où nous passons la première nuit en chambre « matrimoniale » et les suivantes en dortoirs (de seulement 4 lits).

San Martin de Los Andes est une ville qui nous plait tout de suite. Enclavée dans la Cordillère des Andes, sur la rive est du lac Lácar, c’est une jolie ville calme et très fleurie, raisonnablement touristique. Nous passons les premiers jours à découvrir la ville et à courir entre les démarches finales d’inscription et la quête infernale de l’équipement manquant à Hervé pour la course, puisque les colis contenant son matériel ne sont toujours pas arrivés (nous avons fait une croix dessus, merci quand même et encore à Sam et à Delph, et désolés de vous avoir fait courir pour rien).

Le départ de cette grande course appelée La Misión est fixée au lundi 12 décembre à 11h. Elle consiste en 160 km (en vérité 167) à travers le parc Lanin et ses paysages somptueux, à parcourir en un temps maximum de 75h. Personnellement je ronchonne un peu car notre timing de voyage se voit sérieusement entravé par cet événement, mais Hervé est tellement excité et heureux à l’idée de prendre le départ que je garde (presque toutes) mes remarques désobligeantes pour moi.

Ce lundi 12, près de 400 coureurs sont donc au départ de la course, au bord du lac.

Hervé a rempli son sac à dos du matériel obligatoire (sac de couchage et sur-sac pour remplacer la tente, trousse à pharmacie, carte et indications de parcours traduites pendant la nuit et avec amour par sa chérie…) et de sandwichs et gels énergétiques et part donc avec un peu moins de 10 kg sur le dos.

Gwen et Hervé, un peu avant le départ

… se lit sur les visages

La concentration…

 

Après avoir encouragé mon fada d’amoureux au départ, je rentre manger un morceau à l’hôtel avant de partir pour découvrir enfin les environs de San Martin. Je monte donc en premier lieu au mirador Bandurrias. Après une quarantaine de minutes de montée, j’arrive dans une communauté Mapuche et 2 gamins rigolards d’une dizaine d’années viennent me réclamer mon tribut (2 pesos) pour pouvoir entrer dans la zone réservée. Ils m’indiquent ensuite la route du Mirador que je rejoins très rapidement. La vue y est fabuleuse sur San Martin d’un côté, le lac et les montagnes de l’autre.

Je redescends ensuite vers le poste d’entrée de la réserve Mapuche, et l’on m’indique alors comment rejoindre la Playa La Islita. Après 1 heure de marche (le trajet est en fait plus court mais j’ai jugé utile de prendre à gauche et de me perdre dans la forêt alors qu’on m’avait dit : toujours tout droit !), je découvre la magnifique petite plage qui se trouve en regard d’une petite île paradisiaque.

L’eau est fraîche mais pas gelée. Je passe un long moment au bord de l’eau, assise sur un gros rocher, les pieds dans l’eau à contempler ce petit paradis et en songeant à Hervé qui doit courir en plein cagnard…

Je reviens à l’hôtel en fin d’après-midi.

Sur le chemin du retour

Le lendemain, mardi, je profite du calme relatif après l’effervescence des préparatifs de la course pour écrire et trier les photos. Je passe ensuite une partie de l’après-midi au bord du lac, pour une petite séance de bronzage… Je vois les premiers coureurs arriver, le premier a mis moins de 30 heures. Hervé doit toujours courir.

Photo du photographe officiel de la course, prise un peu avant le 100ème km

Normalement il y a un suivi internet qui permet de connaître approximativement la position des coureurs mais la mise à jour est défectueuse et personne n’a d’information sur leur position exacte.

Aussi mercredi matin, réveillée de bonne heure et lassée de faire des calculs sur l’heure possible de son arrivée, je pars me poster près du lac et de la ligne d’arrivée peu après 6h du matin pour attendre mon favori.

Je vois arriver des coureurs au compte-goutte, tous disent que cette course est un enfer et qu’elle est extrêmement difficile, même avec de l’entraînement. Là, je commence à sérieusement m’inquiéter…

Vers 9h20 je vois arriver Gwenaël, le 2ème français qui participe à la course et qui est venu expressément de France dans ce but.

Gwen

Il court sur les derniers mètres et passe la ligne d’arrivée en souriant mais il s’écroule ensuite rapidement dans l’herbe (comme les autres coureurs) et s’endort rapidement… Il peine à quitter ses chaussures et prendra la direction de l’hôtel en chaussettes, jusqu’à ce qu’une âme charitable le prenne dans son 4×4 pour le déposer devant l’hôtel.

A midi, je n’ai toujours pas de nouvelle… j’attends toujours sans même savoir si Hervé n’a pas abandonné. Je me fais des copines car beaucoup d’autres personnes attendent des coureurs sans savoir pour combien de temps. Nous partageons nos boissons, nos gâteaux et notre stress. Mes nouvelles copines, Flore une jeune fille de 16 ans parlant très bien anglais, sa sœur Betty qui attend son compagnon et la maman de ce dernier ont passé la moitié de la nuit à l’attendre et sont revenues à 7h du matin après 3 courtes heures de sommeil. Deux femmes brésiliennes sont là aussi.

Vers 14h j’apprends par internet qu’Hervé a passé le dernier point de contrôle à 17km d’ici vers 10h du matin. Il ne devrait donc plus tellement tarder. Je le vois en effet arriver à un peu plus de 16h, la démarche tremblante mais moins vacillante que celle de certains autres coureurs.

Avant

Après

Après l’agitation de l’arrivée, il s’assoit à son tour dans l’herbe, à l’ombre et me raconte en ôtant ses chaussures poussiéreuses comment après plus de 38h de course il a été obligé de dormir un peu car il avait des hallucinations dans la forêt ; comment il a dû dormir avec ses baskets qu’il ne pouvait enlever sous peine de ne pouvoir les remettre ; comment la douleur au niveau de son talon droit a commencé à le tirailler dès le 90ème kilomètre, et a augmenté au cours des 76 kilomètres qui ont suivi… Son pied droit a doublé de volume et de grosses ampoules parsèment la peau de ses orteils et de ses pieds. Mais il est heureux, fatigué mais heureux.

Nous rentrons à l’hôtel en fin d’après-midi.

Jeudi nous trainons encore sur le bord du lac, applaudissant les derniers arrivants. Hervé, Gwen et tous les autres coureurs, ou presque, ont aujourd’hui une démarche étrange, lente, précautionneuse et balancée. Je me moque d’eux à loisirs, ils ne peuvent de toute façon pas me courir après pour me le faire payer !

En fin d’après-midi nous retrouvons Martin et David que nous avions rencontrés à l’hôtel quelques jours auparavant et qui étaient partis faire l’ascension d’un volcan. Nous prenons l’apéro avec eux et nous nous rendons tous à la remise des prix de la course.

Pendant cette dernière, Martin s’éclipse, et quand nous rentrons à l’auberge il a préparé un repas de fête… c’est adorable ! Merci encore Martin !

Encore une journée de relatif repos et nous quittons finalement San Martin de Los Andes où l’on commençait à se sentir comme chez nous, le samedi 17 décembre par le bus qui nous emmènera à Valdivia au Chili…

Sur la route du Chili

16 réflexions au sujet de « Région des lacs et « La Misión » »

  1. je me répète inlassablement : Merci mille fois de nous faire rêver avec ces photos magnifiques et ces récits pertinents sur ces endroits que nous aimons tant, que vous abordez comme nous mais … avec 30 années de moins, donc vos treks sont plus longs que les nôtres, les altitudes atteintes un peu plus élevées, vous campez alors que nos pauvres dos ne le permettent plus vraiment, mais dans le fond, c’est presque pareil.
    Dommage que le trail d’Hervé vous ait empêché de goûter aux charmes du parc national du Lanin, un de nos préférés ; et vous ne vous étendez pas sur la ruta 40, qui semble avoir été refaite vu la durée du voyage que vous annoncez pour El Chalten – Bariloche.
    Profitez bien du Chili avant de traverser le Pacifique
    bon réveillon
    jmz

  2. Bichette, Hervé tu nous fais mal aux pieds !!!!! T’es un grand Fada. !!!!!
    Heureusement que sainte patience était là pour te soutenir (et se moquer un peu le lendemain si on a bien suivi).
    On espère que vous avez passé un bon Noyel et que la suite de votre périple se passe bien. Bisous !!!

  3. on se répète encore et encore, tes photos sont magnifiques, Anna. j espére qu un jour je pourrai en faire des aussi belles….et je ne parle pas de tes écrits, passionnants!! alors hervé ton talon va mieux? Noel s est très bien passé a saint julien, même si la neige n était pas au rendez vous, le pére noël nous a bien gaté. mais bon, vous nous avez un petit peu manqué quand même!!
    bon passage sur l autre contiment!!
    des bisous a tout les deux

  4. Vous ne nous connaissez pas mais nous avons entendu parler de vous (du bouche à oreille en gros). Tous les jours je suis sur votre site et je le trouve merveilleux. Les commentaires mais surtout les photographies sont magnifiques. Nous habitons la Haute-Loire, plus précisément à St Germain Laprade.
    Continuez votre voyage, insérez de nouvelles et belles photographies, faites nous encore rêver et au passage, nous vous souhaitons une bonne et heureuse année 2012.

  5. Bisous à tous les deux
    Ce soir vous êtes en tête du blog
    Allez plus qu un jour et c gagné

    À bientôt
    On vous souhaite un superbe réveillon
    Les cousinous d Ardèche

  6. Coucou,
    Ce site est une source de bonheur…
    Une source d’inspiration ;-)
    Vous êtes le modèle de l’Amour à l’état pur.
    Je suis vraiment heureux d’avoir partagé un minuscule bout de route en votre compagnie. Vous êtes vraiment courageux, cette route fait mal aux pieds quand même :-)
    Mille mercis pour votre gentillesse.
    Merci ANNA,
    Merci de ne pas t’être, trop moqué de nous après la course. :-# LOL
    Merci de si bien nous raconter tout cela.
    Merci pour ces belles photos de paysages que nous avons traversés mais pas forcément eu le temps de contempler…
    Merci à Hervé de ne pas m’avoir réveillé trop brutalement au 100° km…
    Merci à Martin pour ce repas « surprise »,
    une attention qui me touche encore…
    Un instant de bonheur simple, partagé avec Martin, David, Hervé et Anna…
    Mille mercis à vous tous…
    Au plaisir de croiser à nouveau votre chemin.
    Félicitations pour ce site qui nous permet de voyager GRATIS :-)
    Bizzzz

  7. Gwen m’avait bien prévenue, vos photos et compte-rendus sont SUPERBES! Merci de nous faire partager vos émotions et les paysages traversés, malgré la dureté de la course! chapeau, les sportifs! Gwen était très heureux de vous avoir rencontrés (je suis sa grand-tante) Je continuerai à vous suivre, et merci d’avoir donné un peu de réconfort au seul Français de la course!

  8. J’ai découvert par hasard vos photos grâce au jeu voyage sur Mc. Je m’y retrouve bien sur votre blog. C’est super. La course me fait également penser à la diagonale des fous sur l ‘île de la Reunion, 162 km auquelle j’ai pu vivre par l’intermédiaire de mon chéri qui a participé . Bonne continuation. Je ne connais pas l’Amérique du sud. On voyage plus du côté de l’ Afrique que j’adore.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>