De Tilcara à San Francisco

Le trajet de La Quiaca à Tilcara n’a lui pas été sans encombre puisque nous avons dû une première fois tous descendre du bus et faire vérifier nos bagages juste après la frontière pour un contrôle douanier, ce qui a bien duré une grosse demi-heure ou ¾ d’heure. Ensuite, à une heure environ de Tilcara le bus est tombé en panne : plus d’amortisseur. Il a donc fallu attendre et monter dans un autre bus de la compagnie qui passait aussi sur cette route.

Nous arrivons par conséquent tardivement à Tilcara, une petite ville d’environ 4000 habitants, et nous mettons en recherche d’un hôtel. Nous avons bien une adresse mais nulle part on ne voit de nom de rue… Alors qu’on s’attarde devant un panneau, 3 jeunes gens passent devant nous et nous demandent en espagnol si l’on cherche un hôtel. On s’aperçoit assez vite qu’ils sont français et ils nous guident jusqu’à leur auberge où il semble rester de la place. Nous nous retrouvons donc dans le dortoir d’Ombline, Marine et Baptiste.

Tilcara est située dans la très belle Quebrada de Humahuaca qui serpente depuis Jujuy jusqu’à la Bolivie. C’est un canyon creusé par une rivière désormais à sec. Les montagnes environnantes aux couleurs chaudes et multiples présentent d’étonnantes formations, fruit de l’érosion des strates sédimentaires.

Le lendemain et après de nombreuses hésitations nous partons pour la Garganta Del Diablo, la gorge du diable à 1h30 de marche environ. C’est un joli canyon étroit où coule une petite cascade.

Le soir et après avoir fait quelques courses pour les jours à venir, nous mangeons dans un restaurant du centre-ville avec nos compagnons de chambre.

Jeudi matin, nous quittons Tilcara avec nos sacs complets sur le dos, pour un trek de 4 ou 5 jours qui doit nous conduire à San Francisco dans les Yungas, une zone subtropicale humide et fertile principalement dédiée à l’industrie de la canne à sucre.

Un taxi nous emmène d’abord depuis Tilcara jusqu’à Alfarcito qui sera notre point de départ. Nous montons tranquillement, il fait très chaud et nous sommes très chargés. Nous avons de l’eau pour la journée et de la nourriture pour 5 jours et comme n’avons pas pu trouver de noodles ou autres mets légers et rapides à cuisiner nous sommes partis avec des pâtes, du riz et quelques sauces, ce qui augmente très vite le poids des sacs. Hervé porte environ 25kg et moi 15. Nous dépassons la Casa Colorada et la pente se fait plus raide. Nous nous arrêtons pour manger vers midi mais il n’y a pas la moindre trace d’ombre. Puis nous repartons et grimpons. Dans la montée, nous croisons un monsieur et sa fille qui nous donnent des indications sur le chemin à suivre et nous préviennent qu’il fera froid. Lui porte sur son dos une peau tannée de Puma, enroulée, et dont la tête bien que sans vie reste très expressive. Il l’a tué parait-il car la bête mangeait ses chèvres ; il en semble très fier.  Vers 16h ou 17h nous plantons la tente près d’un ruisseau. L’endroit est magnifique et encore une fois nous sommes seuls au monde. On se lave dans le ruisseau et on mange devant un coucher de soleil fabuleux.

Le deuxième jour de marche sera bien plus difficile. La première journée a été assez courte et nous avons donc beaucoup de kilomètres à faire pour rejoindre le petit village où l’on espère pouvoir trouver de l’eau ce soir.

La première partie de la journée consiste d’abord à passer le col à 4200m, guère au-dessus de là où nous avons dormi, et on admire de nombreux rapaces, dont un condor, puis il faudra descendre pendant de nombreux kilomètres jusqu’au fond de la vallée. Au bout de près de 4h de marche (où nous ne croisons ni voyons personne) nous nous arrêtons pour faire cuire du riz à la sauce tomate (beurk, ce n’est pas super) au bord d’un torrent. Au fond de la vallée, nous croisons notre dernier point d’eau. Puis il faut reprendre la montée sur un sentier à flanc de montagne pendant plus de 2h, au bout desquelles nous espérons trouver le village de Molulo. Les paysages de montagnes et de vallées qui nous entourent sont spectaculaires.

Une fois le col passé, il nous faudra encore marcher pendant plus de 2h sans être sûr de notre itinéraire, avant d’apercevoir enfin le cimetière du village. On a les pieds en compote et de grosses ampoules à cause de la descente et des sacs lourds mais on est obligé d’avancer puisqu’on doit trouver de l’eau. Quand enfin on aperçoit le village de Molulo en contrebas, c’est un gros soulagement. Par contre en arrivant dans le minuscule village, il n’y a absolument personne et tout est fermé. Nous nous installons derrière l’école, sur un bout de pré et Hervé déniche un semblant de source qui goutte à goutte, une eau sale que l’on ne pourra boire qu’en utilisant la gourde filtrante ou en la faisant bouillir.

On sait donc que la journée du lendemain va être difficile aussi puisqu’on a déjà mal aux pieds et qu’on sait que le parcours, assez long, ne comporte aucun point d’eau.

Mais le lendemain, on est au taquet, motivé pour attaquer de front cette journée de marche. Nous partons confiants dans la direction qui nous paraît la plus logique et marchons pendant près de 45 minutes de descente, avant de croiser une habitation où nous demandons confirmation de la direction.

Il se trouve qu’il fallait prendre l’autre chemin. Nous devons donc tout remonter et repartir du début. Nous avons perdu 2 heures (les plus fraîches de la journée) et beaucoup d’énergie. Notre moral n’est pas des meilleurs à ce moment-là.

Il nous faudra au total marcher 9h pour atteindre le village de San Lucas. Nous passons des montagnes desséchées et des paysages de quabrada à une végétation bien plus fournie et verte. On en prend plein les yeux, c’est simplement magnifique mais nous avons du mal à apprécier le spectacle car nous souffrons (tellement que l’on ne prend aucune photo). De plus nous devons boire dans la gourde filtrante qui ne délivre que de petites quantités d’eau et nous rêvons de boire à grosses goulées à la bouteille ou dans un grand verre.

Quand on arrive enfin à San Lucas, nous avons la chance de tomber chez M. Isaac Cruz, qui nous propose d’installer la tente devant chez lui, il a l’habitude de recevoir des touristes même si il y en a eu moins ces 2 dernières années. Il nous montre la douche et les toilettes, et nous achetons de grandes bouteilles de coca et d’eau que nous terminons en 2 temps 3 mouvements sous son regard médusé.

Nous décidons de passer une journée de repos à San Lucas avant de reprendre notre randonnée. Aussi, cette 4ème journée s’écoulera en compagnie d’Isaac et sa femme Térésa.

Ces derniers préparent activement la fête de la Toussaint et cuisinent des tonnes de pâtisseries (sablés à la farine de maïs et  aux clous de girofle excellents, pains aux raisins et à la confiture de coings fameux…) pour manger, et des petits pains de toutes formes qui seront enterrés, en offrandes à leurs morts.

Térésa me montre comment elle fait ses empanadas et je lui propose mon aide pour la réalisation des petites figurines en pain. Hervé de son côté aide Isaac à couper le bois et préparer le four à bois pour la cuisson.

Entre ces tâches, Isaac et Térésa nous parlent d’eux et nous font découvrir leur quotidien. Ils nous font aussi partager leur repas à midi pour nous remercier de les avoir aidés. Ce sont des gens d’une gentillesse et d’une générosité exemplaires et qui débordent d’envie de faire connaître leur région et leurs coutumes. Leur maison est d’ailleurs très animée, il y a sans arrêt des gens qui passent, s’arrêtent pour discuter ou boire un coup.

Lundi il nous faut pourtant repartir. Nous faisons nos adieux à nos hôtes et reprenons le chemin. Nous nous enfonçons dans la forêt et descendons pendant plus de 3 heures jusqu’au torrent, en chemin nous croisons de nombreux oiseaux dont des perroquets verts et  de hautes cascades et nous suivons sur le chemin les traces d’un félin (puma ?) mais sans en  voir l’ombre.

Quand notre chemin croise le torrent, on s’arrête pour manger. L’après-midi il nous faut remonter pour rejoindre la piste où l’on espère trouver un véhicule pour nous conduire à San Francisco. La remontée se fait assez facilement, en moins d’une heure. Mais sur la piste nous ne voyons aucun véhicule et sommes obligés de parcourir à pied la dernière heure et demi qui nous séparent du village. C’est une partie peu agréable sur une piste constituée de grands virages.

Enfin arrivés au village de San Francisco, vers 15h30, nous buvons un coup dans un semblant de bar, où un monsieur, qui se révélera être le chauffeur nous dit que le bus pour Libertador partira vers 16h. C’est un vieux bus abimé qui nous permettra de parcourir les kilomètres de piste sinueuse qui nous séparent de cette dernière. Le chauffeur est obligé de manœuvrer pour passer certains des virages à cause de travaux sur la voix.

Quand, au bout de 3h nous arrivons enfin à Libertador General San Martin, nous prenons immédiatement des billets pour Salta, et avons juste le temps d’avaler rapidement un sandwich bien gras à la gare. Nous arrivons à Salta en fin de soirée et rejoignons à pied une auberge située non loin de la gare. On apprécie la douche comme jamais et on s’endort comme des masses…

2 réflexions au sujet de « De Tilcara à San Francisco »

  1. vous êtes de grands malades!!! marcher 9 heures il faut être dingues…. heureusement que les paysages sont a couper le souffle.
    Anna, tes récits sont toujours aussi passionnants à lire, on attend la suite avec impatience. Et tes photos, toujours aussi belles. Si on pouvait vous rejoindre d un clic de souris, on serait déjà à vos côtés. De notre côté, rien de nouveau. Le froid s installe petit à petit, on a encore une 15aine de degré avec un petit vent frais. La neige n est pas prêt d’arriver.
    Des bisous les loulous….
    Et à bientôt pour vos nouvelles aventures!!

  2. alors là, il a fallu re-sortir la carte d’Argentine pour trouver où vous trainez à présent ; Tilcara, Pumamarca, Humahuaca on connait, mais Molulo et San Lucas, jamais entendu ; par contre Libertador Gral San Martin, j’y étais passé en stop il y a 31 ans, entre Yacuiba, Tartagal et Salta
    c’est bien, vous sortez des sentiers battus et la récompense est au bout de vos peines
    vivement que vous soyiez en Patagonie pour nous en foutre plein les mirettes
    je ne vous félicite plus pour les textes et les photos, vous nous avez habitués à du très haut de gamme
    bises de Monnac le haut
    jean-marie

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